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🔴INFO MILITANTE | Intelligence artificielle : FO donne la parole aux travailleurs

Photo du rédacteur: FO38FO38

Les débats alimenteront un cahier revendicatif. Convaincus que l’IA doit être encadrée, les participants ont proposé des pistes pour faire évoluer une réglementation actuellement incomplète. Ils ont également insisté sur la nécessité que les militants montent en compétences sur le sujet.


Les travailleurs n’étant pas représentés au sommet sur l’intelligence artificielle (IA), qui s’est tenu à Paris du 6 au 11 février, FO a donc créé son propre événement.

La confédération a ainsi organisé le 12 février, dans ses locaux, une journée sur « l’IA et le monde du travail ». Si cette journée n’a pas été conçue comme un contre-sommet, la simple menace de le faire a porté. Ainsi, indique Branislav Rugani, secrétaire confédéral FO, secteur international et Europe,

"dès que nous avons menacé d’organiser un contre-sommet, le gouvernement nous a donné le label. "

Voilà comment le label officiel du sommet a pu figurer sur le programme de cette journée, la seule à donner la parole aux représentants des salariés.


Conséquences concrètes sur le travail


L’enjeu est de faire émerger une véritable action syndicale sur l’IA, a déclaré en ouverture Frédéric Souillot, le secrétaire général de FO.


Les débats du 12 février alimenteront un cahier revendicatif.


Pour certains des nombreux participants à cette journée – la salle Léon Jouhaux était pleine – il s’agissait aussi de se familiariser avec une technologie opaque et en apparence nouvelle, mais dont les conséquences sur le travail et l’emploi sont déjà très concrètes. Des assureurs confient le traitement de dossiers de sinistres simples à l’IA pour, disent-ils, que leurs salariés se consacrent à des tâches à plus forte valeur ajoutée, mais en leur transférant davantage de dossiers complexes, les directions augmentent en fait la charge de travail des salariés, indiquait, à titre d’exemple, Éric Peres, secrétaire général de FO-Cadres.


Dans le secteur des bureaux d’étude, les jeunes ont la pression car leurs managers leur disent que l’IA pourrait faire le travail des juniors (compte-rendu de réunions, powerpoint...) à leur place, expliquait, lui aussi en guise d’exemple, Paul Briey, de la fédération des employés et cadres et de FO jeunes.


L’impact de l’IA sur le travail dépend de la réglementation


D’après une revue critique des publications scientifiques sur le sujet, réalisée par le Cnam (conservatoire national des arts et métiers) et financée par l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) à la demande du FO, les effets de l’IA sur le travail sont ambivalents. D’un côté, l’IA peut améliorer les performances en programmation informatique, en rédaction, en diagnostic médical, en traitement des demandes des clients ; et cette amélioration bénéficie surtout aux travailleurs les moins qualifiés, détaillait Moustafa Zouinar, ergonome, professeur associé au Centre de recherche sur le travail et le développement (CRTD) du Cnam. De l’autre côté, la vérification et la correction de l’IA prennent du temps ; en facilitant les tâches simples, l’IA augmente la difficulté des tâches complexes ; elle crée un sentiment de perte de contrôle ; elle réduit le travail collectif, poursuivait-il.


Entre 2% et 2,5% d’emplois entièrement automatisables


Les incidences de l’IA sur l’emploi sont tout aussi compliquées à appréhender. Selon une étude de l’Organisation internationale du travail (OIT) signalée par Cyril Cosme, représentant du Bureau international du travail (BIT) en France, 30% des emplois sont exposés à une automatisation partielle, ce qui ne veut pas dire qu’ils vont disparaître ; les emplois entièrement automatisables représentent entre 2% et 2,5% ; ce n’est donc pas l’apocalypse. Mais les emplois les plus touchés sont ceux de bureau, davantage féminisés ; les femmes seront donc davantage impactées que les hommes, indiquait-il encore.


Les salariés de l’entreprise de veille médiatique Onclusive ont déjà vu les effets de l’IA sur leur emploi lorsqu’en 2024 la direction a annoncé qu’elle supprimait des postes pour les remplacer par des logiciels d’IA. Le motif a été contesté par les syndicats et par l’inspection du travail. Aux États-Unis, les scénaristes et les acteurs de films et de jeux vidéo se sont mobilisés pour notamment se protéger de l’IA. En fait, expliquent en substance les chercheurs du Cnam, le travail avec une IA n’est pas en soi plus performant ou moins pénible, il est dépendant des régulations sur son introduction et sur son usage.


Les limites des réglementations existantes


En matière de régulation, le sommet de Paris n’a rien apporté de nouveau. Le vice-président des États-Unis [James David Vance] a même critiqué la réglementation européenne sur l’IA, a rappelé Cyril Cosme. Si un atelier était bien consacré au travail, il n’a pas produit de normes, admettait Charles-Louis Molgo, de la direction des affaires européennes et internationales du ministère du Travail. Ses participants ont fait la promotion d’un droit mou, comme le label Arborus.

Pour l’heure, indiquait Morgan Sweeney, maître de conférence à l’université Paris-Dauphine, les cadres juridiques susceptibles de cadrer l’IA sont d’origine européenne : le règlement général sur la protection des données (RGPD) ; le règlement européen de 2024 sur l’intelligence artificielle (RIA) – en cours de déploiement en France – ; et la directive sur le travail en plateforme, également de 2024 – pas encore transposée en droit français – et qui comporte des dispositions sur le management algorithmique.


Aude Cefaliello, chercheuse à l’Institut syndical européen (ETUI), signalait également la directive-cadre européenne de 1989 sur la sécurité et la santé au travail. Mais ces réglementations ont leurs limites. Le RGPD n’est pas pensé pour les relations de pouvoir ; le RIA est une autorisation d’entrée sur le marché mais ne propose pas de suivi alors que l’IA est évolutive ; la directive plateformes ne concerne que les plateformes, explique Morgan Sweeney.


Propositions d’évolutions


Les participants à la journée FO ont ainsi avancé des pistes pour faire évoluer le droit. Le gouvernement [français] peut transposer [le cadrage du management algorithmique prévu dans] la directive plateforme en étendant son périmètre à tous les travailleurs, indiquait Isabelle Shömann, secrétaire générale adjointe de la Confédération européenne des syndicats (CES). Faycal Abassi, du cabinet de conseils aux comités sociaux et économiques (CSE) Syncéa, estimait de son côté que les institutions représentatives du personnel devraient être consultées [sur l’IA] de la même manière dans toutes les entreprises. Faute de quoi, il se développera un dialogue social à deux vitesses avec d’un côté les grandes entreprises, qui traiteront le sujet, et de l’autre les petites.


A noter que, selon le Code du travail, les directions ont l’obligation de consulter le CSE lorsqu’elles introduisent de nouvelles technologies, mais, dans les faits, peu le font. Plusieurs participants à la journée ont souligné la nécessité pour les élus du personnel de monter en compétences, pas seulement en droit du travail, mais aussi en informatique, en se faisant aider d’experts capables de comprendre le codage. Faycal Abassi plaide également pour une obligation de négocier sur la gestion prévisionnelle des emplois même dans les entreprises de moins de 300 salariés.


Que ce soit par un accord national interprofessionnel, une directive, une loi, il est de notre devoir d’encadrer l’IA, a insisté Branislav Rugani, refermant cette journée d’information et de débat. A noter qu’en amont de cet événement FO, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, avait indiqué le 10 février, dans le cadre du sommet de Paris, vouloir examiner l’impact de l’IA sur les métiers, au printemps avec les partenaires sociaux.


En attendant, les représentants du personnel peuvent utiliser les réglementations existantes pour cadrer l’usage de l’IA dans leur entreprise. Ils peuvent utilement recourir au « kit de négociation » présenté par Dial-IA (un projet de Ires). Un outil que FO a participé à créer. Les auteurs expliquent par exemple comment repérer le déploiement d’une IA, que la direction aurait omis de signaler, grâce au registre des données personnelles déposé à la Cnil (dans le cadre du RGPD) ou au registre des IA (dans le cadre du RIA).

 

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