"On ne veut pas faire durer le mouvement, on veut pouvoir négocier"
Après les raffineries, les syndicats espèrent étendre la contestation sociale avec cette grève interprofessionnelle en ce mardi 18 octobre, pour réclamer de meilleurs salaires et pour défendre le droit de grève, après les réquisitions de personnels, n notamment lundi au dépôt de Feyzin dans le Rhône.
Le mouvement pourrait-il durer ? "Il faut continuer à peser sur les entreprises", estime sur France Bleu Isère Philippe Beaufort, secrétaire départemental de Force Ouvrière en Isère.
France Bleu Isère : La principale préoccupation - et réclamation - pour vous concerne les salaires ?
Philippe Beaufort : C'est ça, ce sont les salaires. Et puis aussi l'atteinte au droit de grève. C'est là-dessus que s'est entendue l'intersyndicale nationale la semaine dernière et c'est sur cette base aujourd'hui que nous manifesterons et nous nous rassemblerons.
A quel point cette hausse des salaires est-elle nécessaire ? Les salariés de Total ont obtenu une augmentation d'environ 7%. Ça ne suffit pas, il faut aller plus loin ?
Alors ça ne suffit pas. L'inflation est au maximum, que ce soit pour les salariés du privé ou pour les salariés du public, mais également pour les sans-emploi, pour les étudiants, les retraités. Donc la nécessité effectivement d'augmenter les salaires, elle est plus que présente. Force Ouvrière, c'est le syndicat de la fiche de paie, on a lancé une campagne début septembre sur la question des salaires.
Il faut augmenter de combien les salaires ?
Mais déjà, pour pouvoir augmenter les salaires, il faut pouvoir négocier. Or la question de la négociation est au cœur du conflit. Il y a eu une négociation avec un certain nombre de syndicats mais tous les salariés ne sont pas d'accord avec cette négociation. Ils veulent davantage, c'est leur droit. Nous, à Force Ouvrière, on estime que l'on ne fait pas grève par plaisir et pour enquiquiner la population. On fait grève parce qu'on a des revendications sur les conditions de travail et plus particulièrement aujourd'hui sur la question des salaires.
Concernant le droit de grève. Il y a eu des réquisitions, notamment hier à Feyzin, où sept salariés ont été réquisitionnés pour aller travailler aux dépôts de carburant. Vous les comprenez ces réquisitions ?
C'est une atteinte au droit de grève. Ça veut dire qu'effectivement, on ne peut plus faire grève. Donc c'est la porte ouverte à réquisitionner n'importe quel salarié pour pouvoir faire fonctionner le pays. Et donc c'est couper l'herbe sous les pieds des organisations syndicales et surtout des salariés qui décident de se mettre en grève pour pouvoir revendiquer.
Voulez-vous faire durer ce mouvement social ? On pense aux gens qui ont du mal à trouver de l'essence depuis plusieurs jours. Ce mouvement s'étend aujourd'hui...
Alors on ne veut pas faire durer le mouvement. Nous, ce qu'on veut, c'est que le gouvernement et les entreprises permettent aux organisations syndicales de s'asseoir autour d'une table et de discuter, de négocier. Moi, en tant que secrétaire général de Force Ouvrière dans le département, je n'ai pas de bouton sur lequel appuyer pour décréter la grève générale illimitée jusqu'à satisfaction. Si c'était le cas, ça fait belle lurette qu'on aurait effectivement gagné sur la totalité de nos revendications. Ce n'est pas le cas. Ce mouvement part de la base, des salariés dans les entreprises et les administrations qui se battent au quotidien pour avoir ces négociations.
Donc s'il le faut, vous envisagez de bloquer en partie ou compliquer les vacances de la Toussaint ?
Non, il faut en tout cas continuer à peser sur les entreprises pour pouvoir gagner sur ces revendications d'augmentation générale des salaires.
On l'a dit, le mouvement est porté par une intersyndicale CGT et FO notamment. Mais ici, en Isère, chacun manifestera de son côté entre 10h et 13h30 suivant les syndicats. Pourquoi ne vous êtes vous pas rassemblés pour ces revendications ?
Il n'y a pas de coin dans l'intersyndicale, il y a simplement un désaccord d'organisation. Pour nous, se rassembler devant le Medef, comme le souhaite l'intersyndicale en Isère, ne correspond pas à ce qui a été discuté au niveau national (des rassemblements devant les préfectures et sous-préfectures). Et puis pourquoi le Medef ? Ce n'est pas le Medef qui décide des réquisitions dans les raffineries, et ce n'est pas le Medef qui décide des augmentations de salaires.
Ce sont les chefs d'entreprises qui décident des salaires...
Oui, mais pas pour les salariés de la fonction publique. De même pour les retraités, ce ne sont pas eux qui décident, ni pour les bourses des étudiants. Les réquisitions, c'est bien le préfet qui les ordonne, sur pression du gouvernement. Et donc le rassemblement doit se faire, selon nous, devant les préfectures puisque le préfet représente le gouvernement.
Est-ce que cette mobilisation aujourd'hui, c'est aussi un premier pas dans la contestation contre la réforme sur les retraites, qui approche ?
Ecoutez, ce n'est pas l'objet de la mobilisation d'aujourd'hui. C'est bien sur la question des salaires et de l'atteinte au droit de grève qu'on se mobilise. Il y a eu, au niveau national, trois intersyndicales avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives sur la question des salaires, sur la question de l'assurance-chômage et sur la question des retraites. Donc nous, on souhaite à Force Ouvrière que cette unité perdure dans le but effectivement de pouvoir peser face au gouvernement sur cette question des retraites, pour s'opposer à cette réforme qui est rejetée par l'ensemble des organisations syndicales.
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