L’exercice du droit de grève ne doit donner lieu à aucune mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunération et d’avantages sociaux, comme dispose l’article L 2511-1 du code du travail.
Toutefois, de manière un peu sournoise, l’employeur parvient parfois à diviser les salariés à l’occasion d’un conflit collectif, en témoigne la présente affaire du 3 avril 2024 (Cass. soc., 3-4-24, n°22-23321).
En l’espèce, une grève est menée par plusieurs salariés durant 2 mois.
L’employeur décide à l’issue du mouvement, de verser une prime exceptionnelle à certains salariés non-grévistes en raison de tâches supplémentaires qu’ils ont effectuées et ne relevant pas de leurs fonctions.
Les salariés grévistes et le syndicat présent dans l’entreprise assignent alors l’employeur en rappels de salaires et dommages-intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession. Les juges du fond accèdent à leurs demandes. L’employeur forme un pourvoi en cassation.
Au soutien de son pourvoi, l’employeur avance que le versement d’une prime à des salariés non-grévistes n’est pas une mesure discriminatoire prohibée par l’article L 2511-1 (relatif à l’exercice du droit de grève) dès lors que la prime n’est pas versée à l’ensemble des salariés non-grévistes, mais uniquement à ceux ayant accepté d’exécuter des tâches supplémentaires qui ne sont pas en lien avec leurs fonctions. L’employeur ajoute par ailleurs que le montant de la prime varie en fonction du nombre de tâches effectuées.
La Cour rend sa solution au visa de l’article L 2511-1 et approuve la mesure de l’employeur.
Elle affirme que « ne constitue pas une mesure discriminatoire l’attribution à certains salariés non-grévistes d’une prime exceptionnelle correspondant à un surcroît de travail ou à la réalisation de tâches en dehors de celles prévues par leur contrat de travail ».
Les juges auraient donc dû rechercher si la prime avait effectivement été versée à des salariés ayant accepté une modification temporaire de leur contrat de travail en accomplissant des tâches ne relevant pas de leurs fonctions. La Cour casse ainsi les différents jugements qui ont condamné l’employeur.
La solution rendue par la Cour n’est pas surprenante. Elle a déjà admis le paiement d’une prime en raison d’un surcroît d’activité pesant sur les salariés non-grévistes (Cass. soc., 20-1-81, n°79-41253).
En revanche, une prime versée uniquement à certains salariés en raison de leur non-participation à un mouvement de grève est illicite (Cass. soc., 1-6-10, n°09-40144) car elle constitue une mesure discriminatoire prohibée par l’article L 2511-1.
Est également illicite, le versement d’une prime aux seuls salariés non-grévistes en vue de compenser les conditions de travail pénibles des salariés pendant le mouvement social, liées notamment à la nervosité des usagers du service de transport assuré par l’employeur (Cass. soc., 3-5-11, n°09-68297).
Cet arrêt appelle simplement à la vigilance et à bien demander à l’employeur la justification du versement d’une prime exceptionnelle, et à vérifier aussi bien les conditions de versement de la prime que les bénéficiaires, car comme le montre l’arrêt, objet du présent focus, tout versement d’une prime à l’issue d’un mouvement de grève n’est pas nécessairement, aux yeux de la Cour de cassation, discriminatoire.
Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques
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